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Dans l'antiquité Grecque, les Thalysies sont une fête campagnarde en l'honneur de Déméter.

Un texte homérique en parle comme d’une fête s’adressant à chaque dieu à son tour, un autre texte y associe Dionysos à Déméter. La fête est célébrée après la récolte des fruits de la terre, c’est donc une fête de plein été.

Les Thalysies ne nous sont guère connues que par la célèbre Idylle VII de Théocrite (*), où elles ne nous apparaissent, non pas comme une fête d’un caractère public et officiel, mais comme une réjouissance campagnarde, après récolte faite, où préside la déesse des moissons.

Demeter by South Korean artist Soa Lee soanala.com/zbxe/

(*) Pour qui serait vraiment de chez vraiment intéressé, l'Idylle VII est lisible ci-dessous:

...dans la traduction délicieusement archaïsante de Leconte de Lisle



Nous allions, Eukritos et moi, de la ville au fleuve Halès, accompagnés d’Amyntas, et nous rendant auprès de Phrasidamos et d’Antigénès, qui devaient célébrer les Thalysies en l’honneur de Damatèr. Tous deux étaient fils de Lykôpeus, noble postérité des hommes justes d’autrefois, car ils descendaient de Klytia et de ce Khalkôn qui, ayant appuyé son genou sur une roche, fit jaillir avec son pied la source Bouréia, au-dessus de laquelle les peupliers et les ormes chevelus forment une voûte de feuilles vertes.

Nous avions à peine fait la moitié du chemin, et le tombeau de Brasilas ne nous apparaissait point encore, quand nous rencontrâmes un voyageur, un homme de Kydôn, du nom de Lykidas. C’était un chevrier ; et personne ne s’y fût trompé en le voyant, car il portait sur les épaules la peau fauve au poil épais d’un bouc velu, sentant encore le fromage. Une large ceinture serrait un vieux manteau sur sa poitrine ; il tenait de la main droite un bâton d’olivier sauvage, recourbé par un bout, et il me dit, l’œil ioyeux, et les lèvres ouvertes et souriantes :

— Simtkhidas, où donc vas-tu, à midi, quand le lézard dort dans les haies et quand les alouettes huppées restent cachées ? Te hâtes-tu pour un repas où tu es convié ? Cours-tu vers le pressoir de quelque habitant de la ville ? Tu marches vite, et tes chaussures heurtent la pierre, qui résonne.

Et je lui répondis :

— Ami Lykidas, chacun dit que tu es un excellent joueur de syrinx entre tous les pasteurs et les moissonneurs ; et mon cœur s’en réjouit, bien que j’aie l’espoir de t’égaler. Or, nous allons aux Thalysies, où deux de nos amis font un sacrifice à Damatèr au beau péplos, et lui offrent les prémices de leur richesse, car elle a abondamment pourvu leurs granges d’orge. Donc, puisque notre route est la même et que le même jour nous luit, chantons une chanson pastorale. Peut-être que l’un de nous fera plaisir à l’autre. Car moi aussi, je suis une des bouches sonores des Muses ; et l’on dit que je chante admirablement. Mais je ne suis pas crédule, non certes ! et je ne crois surpasser ni l’irréprochable Sikélidas de Samos, ni Philètas. Je ne lutterais contre eux que comme la grenouille contre les cigales.

Je parlais ainsi à dessein ; mais le chevrier me sourit : — Je te donne ce bâton pastoral, dit-il, parce que tu es un vrai fils de Zeus, fait pour la vérité. Je hais grandement l’architecte qui tente d’élever une demeure digne d’Oromédôn, haute comme une montagne, et je hais ces oiseaux des Muses qui s’épuisent à pousser des cris injurieux contre l’Aoide de Khios. Allons, Simikhidas, commençons à l’instant les chants bucoliques. Vois, ami, si cette petite chanson que j’ai faite dernièrement te plaît :

Qu’elle soit heureuse la navigation d’Agéanax vers Mitylana, même quand le Notos chasse les flots écumeux sous les Chevreaux inclinés à l’Occident, et quand Oriôn trempe ses pieds dans la mer, si Agéanax guérit Lykidas brûlé par Aphrodita, car l’ardent Érôs me consume.

Les Alcyons apaiseront les flots et le Notos et l’Euros qui ébranle les algues sous-marines, — les Alcyons, eux qui sont le plus aimés des glauques Nèrèides, parmi tous les autres oiseaux de la mer.

Que tout lui soit propice, pendant qu’il naviguera vers Mitylana, et qu’il aborde en un port sûr ! Et moi, couronnant ma tête d’anis, de roses et de violettes blanches, j’emplirai un kratèr de vin Ptéléatique, couché auprès du feu.

Et la fève y rôtira, et, plongé dans une épaisse litière de knyse, d’asphodèle et de flexible persil, je boirai mollement, en songeant à lui, à pleines coupes et jusqu’à la lie !

Cependant, deux pasteurs, l’un d’Akharna, l’autre de Lykôpè, me joueront de la flûte ; et Tityros me chantera comment le bouvier Daphnis aima autrefois Xénéa, et comment il courait sur la montagne, et comment les chênes qui croissent aux bords du fleuve Himéra pleurèrent sur lui, tandis qu’il se fondait, comme une neige aux pieds du grand Haimos, ou de l’Athos, ou du Rhodopa, ou du Kaukasos, le plus lointain des monts.

Et il chantera aussi comment, autrefois, par les mauvaises rigueurs d’un maître, un large coffre reçut le chevrier vivant ; et comment les abeilles camuses qui venaient de la prairie le nourrirent de l’arome des fleurs, dans le cèdre odorant, parce que la Muse lui avait versé un doux nektar dans la bouche.

Ô bienheureux Komatas, tu as éprouvé ces choses, et tu as été enfermé dans le coffre, et, durant toute une année, tu as ainsi souffert, tandis que les abeilles te nournssaient de rayons. Ah ! pourquoi n’as-tu pas vécu de mon temps ? J’aurais fait paître tes belles chèvres sur les montagnes, et je t’aurais entendu chanter harmonieusement, ô divin Komatas, couché à l’ombre des chênes ou des pins !


Ayant ainsi chanté, il se tut, et je dis après lui : — Ami Lykidas, tandis que je paissais les bœufs sur les montagnes, les Nymphes m’ont enseigné un grand nombre de chansons que la renommée a portées jusqu’au thrône de Zeus ; mais celle-ci est excellente entre toutes. Écoute, puisque tu es cher aux Muses :

Certes, les Érôs ont éternué pour Simikhidas, car le malheureux aime Myrtô autant que les chèvres aiment le printemps ; mais Aratos, le plus aimé de ses amis, a dans le cœur une passion pour un enfant.

Aristis, le meilleur des hommes, à qui Phoibos même permettrait de chanter avec la lyre auprès du trépied. Aristis sait qu’Aratos brûle pour un enfant, et jusque dans la moelle de ses os.

Ô Pan ! toi qui possèdes la belle plaine du Hoinolas, puisses-tu mettre dans ses bras le tendre Philinos, ou tout autre. Et si tu le fais, ô Pan, puissent les enfants akkadiens ne plus te fustiger les côtes et les épaules, comme ils ont coutume quand les mets sont rares !

Mais si tu refuses, que ton corps soit traversé et déchiré par des ongles ! Puisses-tu dormir sur des orties ! puisses-tu habiter, en plein hiver, sur les montagnes des Hèdôniens, aux bords du Hébros, auprès de l’Ourse, et, en plein été, vivre chez les Aithiopiens les plus reculés, sous les rochers des Blémyes, là où le Neilos devient invisible !

Et vous, ô Érôs, semblables à des pommes vermeilles, qui habitez la sphère élevée de la blonde Diôna, quittez le cours limpide de Hyétis et de Byblis ; percez de vos flèches le beau Philinos, puisque le barbare n’a point pitié de mon hôte. Certes, il est déjà mûr comme une poire. Les femmes disent : — Hélas ! Philinos, ta belle fleur se flétrit !

Ne veillons donc plus au dehors, ô Aratos, et ne meurtrissons plus nos pieds. Que le coq matinal amène pour d’autres le froid pénible du matin, et que le seul Molôn, ô mon ami, éprouve cette angoisse ! Pour nous, reprenons notre tranquillité ; et qu’une vieille opportune crache et écarte de nous les calamités !


Je chantai ainsi, et Lykidas, souriant toujours doucement, me donna son bâton pastoral comme un gage d’amitié venant des Muses. Puis, il prit sur la gauche et suivit le chemin de Pyxa. Eukritos et moi, ainsi que le bel enfant Amyntas, nous gagnâmes la demeure de Phrasidamos, ou nous nous couchâmes en des lits épais de lentisque odorant et de pampres récemment coupés. Un grand nombre de peupliers et d’ormes se berçaient au-dessus de nos têtes, non loin de l’onde sacrée qui s’écoulait, en murmurant, de l’antre des Nymphes. Et dans les rameaux touffus, les cigales, brûlées par le soleil, chantaient à se fatiguer ; et la verte grenouille criait au loin, sous les épais buissons épineux. Les alouettes et les chardonnerets chantaient ; la tourterelle gémissait ; et les abeilles fauves bourdonnaient autour des fontaines. De toutes parts flottait l’odeur d’un riche été, mêlée à celle de l’automne. À nos pieds et à nos côtés roulaient en foule les poires et les pommes ; et les branches, chargées de prunes, se courbaient jusqu’à terre.

Un enduit de quatre ans fut détaché des tonneaux. Ô Nymphes Kastalides, qui habitez le faîte du Parnasios, le vieux Kheirôn offrit-il une telle coupe à Hèraklès, dans l’antre pierreux de Pholos ? Le nektar qui enivra le Berger de l’Anapos, le fort Polyphamos, celui qui jetait des montagnes aux vaisseaux, et qui le fit trépigner à travers les étables, valait-il, ô Nymphes, celui que vous nous versâtes auprès de l’autel de Damatèr, qui protége les moissons ?

Puissé-je enfoncer encore le van dans le grain ; tandis qu’Elle rira, les deux mains pleines de gerbes et de pavots !

Source : ICI